Médecins bâtisseurs

Lorsqu'il fut question d'établir le type d'hommage qui serait décerné à l'occasion du XVIe congrès syndical, en mai 2009, les membres du comité organisateur du congrès ont spontanément évoqué dans leurs discussions le jubilé d'or de la Fédération qui sera célébré en 2013.  Cet anniversaire rappellera qu'y il a 50 ans, des médecins ont travaillé à mettre sur pied notre syndicat. À cette époque, la Fédération a eu besoin, pour établir sa représentativité, de mobiliser les médecins chirurgiens en pratique générale du Québec, (à l'époque nous ne nous appelions pas encore omnipraticiens) afin qu'ils se regroupent en association.

Ce sont quelques membres de la première association de la FMOQ, l'Association de Montréal, qui ont fait alors fait appel aux plus engagés d'entre eux pour qu'ils constituent, dans leurs régions ou leurs milieux de pratique, une association syndicale officielle. Ce fut une tâche colossale et ambitieuse. Au tout début des années 1960, le mouvement de syndicalisation au Québec, à l'aube de son effervescence, n'avait pas encore l'ampleur qu'il a connue par la suite et ces quelques médecins dispersés sur notre territoire ne bénéficiaient pas, comme nous actuellement, du soutien d'une structure organisationnelle. Ces médecins alors en pratique active ont fait un véritable travail de missionnaire et sont allés chercher un à un des confrères dévoués et convaincus pour fonder leur association.

La Fédération est redevable à ses militants de la première heure, tout comme à ceux qui leur ont succédé depuis dans leurs régions et milieux respectifs. Grâce à eux, leurs associations syndicales sont devenues des organisations solides, vouées à la défense des intérêts de leurs membres. Ensemble, elles confèrent à la Fédération le pouvoir de négocier les conditions d'exercice des omnipraticiens auprès des instances gouvernementales.

 

 

Le Dr Jean-Pierre Chagnon, un homme de parole

Aujourd'hui âgé de 80 ans, le Dr Jean-Pierre Chagnon possède une feuille de route syndicale bien remplie. Il a ainsi été l'un des membres fondateurs de l'Association des médecins omnipraticiens de l'Ouest du Québec (AMOOQ). De 1964 à 1984, le Dr Chagnon a été élu tour à tour président et vice-président au sein de l'exécutif de l'AMOOQ. Au cours de ces 20 ans, il a également été délégué de l'association au Conseil de la FMOQ, administrateur au Bureau et deuxième vice-président de la Fédération.

En 1973, le Dr Chagnon a ouvert la première polyclinique de l'Outaouais, le Centre médical d'Aylmer. Il pratiquait également à l'hôpital de Hull où il a été élu président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, alors qu'aucun omnipraticien n'occupait un tel poste à l'époque dans un hôpital important. Après avoir quitté la pratique active, en 1986, le Dr Chagnon est devenu directeur des services professionnels de l'hôpital de Buckingham, jusqu'en 1991. « J'ai toujours été très fier d'être omnipraticien, dit le médecin. Notre fierté, nous l'avons manifestée en nous regroupant et en nous imposant à l'égard du Collège des médecins du Québec et des spécialistes. »

Aux yeux du Dr Chagnon, l'un des apports importants de son association et de la FMOQ a été la mise sur pied de la formation médicale continue en français. « Ce fut pour nous une révélation, affirme-t-il. Cela a revalorisé l'omnipratique et a permis aux médecins de se tenir à jour. »

Le Dr Robert Turgeon, aujourd'hui âgé de 68 ans et médecin évaluateur à la Société de l'assurance automobile du Québec, a été un proche collaborateur du Dr Chagnon. « Nous nous échangions la présidence, se rappelle-t-il. Lorsque l'un était fatigué, l'autre prenait la relève. » Le Dr Turgeon se souvient de son confrère comme d'un travailleur acharné et surtout d'un homme sur lequel on pouvait compter. « Lorsqu'il disait quelque chose, il le faisait », assure-t-il. Le médecin souligne également que le Dr Chagnon a défendu avec énergie les droits des omnipraticiens. Sa plus grande réussite a été de contribuer à imposer le respect pour les généralistes. « Pour les jeunes médecins, il est un modèle à suivre. »

Dr Bernard Côté, rassembleur

Recevant le Prix du médecin bâtisseur avec beaucoup d'émotion, le Dr Bernard Côté, maintenant âgé de 71 ans, est étonné que l'on pense encore à lui après tant d'années. « Cela fait quand même plus de quarante ans », dit-il. C'était le 12 mai 1966 que le Dr Côté a participé à l'assemblée de fondation de l'Association des médecins omnipraticiens de l'Estrie (AMOE). C'est son plus beau souvenir syndical. Il a ensuite été vice-président et président de l'AMOE et délégué de l'Association de l'Estrie au Conseil de la FMOQ. Sur le plan des réalisations syndicales, le Dr Côté se souvient qu'avec ses collègues d'alors, il est parvenu à réunir les médecins. « Plusieurs étaient habitués à travailler en solo. Il fallait donc les convaincre d'assister à nos réunions. Ce n'était pas toujours facile d'obtenir l'accord de tout le monde. On leur a même demandé de fermer leur cabinet lors de journées de protestation contre le gouvernement. Les omnipraticiens avaient des revendications, notamment en ce qui concerne leur rémunération et leurs conditions de travail lors de l'arrivée de l'Assurance maladie du Québec. »

Le Dr Côté souhaite que l'on conserve de lui l'image d'une personne qui tentait de défendre les droits de ses collègues. Médecin bâtisseur est un titre qui convient bien au Dr Côté, estime son collègue, le Dr Pierre Reny qui a pratiqué à ses côtés jusqu'en 1991. Le Dr Reny a, en outre, été vice-président de l'association et l'un des fondateurs, entre autres avec le Dr Côté, de la première clinique multidisciplinaire de l'Estrie, la Clinique familiale Saint-Vincent, à Sherbrooke. « Le Dr Côté était très engagé dans l'organisation de l'association, dit-il. C'était un rassembleur. Ce furent de très belles années. Nous étions une équipe très soudée. »Le Dr Yves St-Pierre, de son côté, a collaboré pendant près de 25 ans avec le Dr Côté. Maintenant âgé de 74 ans, il pratique encore à temps partiel au CLSC de Weedon. « Le Dr Côté se donnait beaucoup, tant comme syndicaliste que comme médecin. C'était un homme généreux. Je l'ai bien connu, car il acceptait d'accoucher mes patientes puisque j'étais à Weedon, loin de l'hôpital de Sherbrooke. »

Dr Guy Laporte, chef de file charismatique


Président-fondateur de l'Association des médecins omnipraticiens de Montréal (AMOM), créée en 1961, le Dr Guy Laporte fait incontestablement partie des pionniers du syndicalisme médical au Québec. Il a également été l'un des piliers de la FMOQ. Âgé de 85 ans, le Dr Laporte, maintenant à la retraite, a pratiqué la médecine générale pendant une quinzaine d'années avant de devenir anesthésiste. Il est extrêmement honoré de l'hommage que lui rendent ses pairs.

« Je ne m'attendais pas à ce que l'on se souvienne de moi », lance-t-il joyeusement. Outre son travail de médecin, sa grande fierté est le mouvement syndical qu'il a contribué à lancer afin d'améliorer les conditions de pratique des généralistes de l'époque. « Je voulais que les omnipraticiens puissent pratiquer à l'hôpital et faire des accouchements, ce qu'on leur refusait à l'époque », rappelle-t-il. Il désirait également qu'un département de médecine générale soit créé dans tous les hôpitaux et permette aux omnipraticiens de pratiquer une médecine conforme aux normes. En plus de fonder l'AMOM, qu'il considère comme étant sa plus grande réussite, le Dr Laporte a été président du comité provisoire qui a créé la FMOQ. « Une fédération est comme un prisme capable d'absorber les différentes teintes que reflète chaque association afin de les transformer en une lumière blanche et puissante capable d'éclairer la destinée de la médecine générale », dit-il. Le Dr Laporte croit avoir atteint ses objectifs et pense que les omnipraticiens sont satisfaits des services rendus par la Fédération et ses associations respectives. Son souhait le plus cher est que les jeunes médecins profitent des efforts de leurs prédécesseurs afin de bien pratiquer la médecine générale d'aujourd'hui, qui, à ses yeux, est très agréable.

Selon le Dr Georges Desrosiers, médecin spécialiste en santé publique à la retraite, le Dr Laporte est un chef de file charismatique. Il était à ses côtés comme secrétaire lors de la fondation de l'AMOM et a été témoin de son engagement. « Le Dr Laporte possédait le don de susciter de l'enthousiasme pour la cause. Il était un bâtisseur et un rassembleur-né. »

Le Dr Paul Leblanc, un vrai médecin gaspésien !

Natif de New Richmond, en Gaspésie, le Dr Leblanc est un vrai Gaspésien. Aujourd'hui âgé de 73 ans, il travaille toujours autant. S'il ne pratique plus à l'hôpital depuis deux ans, il voit régulièrement ses patients à son cabinet privé, situé dans sa maison.

Le Dr Leblanc est l'un des fondateurs de l'Association des médecins omnipraticiens de la Gaspésie, créée en avril 1966. Fier de cette contribution, il la considère comme sa plus grande réalisation syndicale. « Quand nous avons fondé l'association, nous étions seulement une dizaine de médecins, mais nous avons communiqué avec tous les omnipraticiens de la Gaspésie pour qu'ils en deviennent membres, dit-il. Tout le monde s'est engagé allègrement. Nous formions un groupe ayant une voix forte afin de faire valoir nos droits. Ce fut une très bonne expérience, car j'avais toujours pratiqué seul auparavant. » C'est avec un réel plaisir que le Dr Leblanc, qui a fait la promotion du syndicalisme dans sa région, se remémore le passé. « Tous les médecins pratiquaient dans des endroits différents en Gaspésie. Nous avions donc choisi Chandler comme lieu de rencontre, à mi-chemin pour tous.»

Arrivé à Matapédia en février 1966, le Dr Leblanc était seul et touchait à tout. Consultations au cabinet, anesthésie, accouchements et autres activités de médecin de famille composaient son quotidien. Il avait même une pharmacie à son cabinet, car il n'y en avait pas sur place. Et puisqu'il n'y avait pas de dentiste non plus, il devait extraire les dents. « On m'appelait de jour comme de nuit. Je ne comptais pas mes heures. L'hôpital le plus proche était situé à 25 km. » Le Dr Leblanc tient à rendre hommage à la FMOQ. « La Fédération a réussi à faire reconnaître les régions éloignées comme des régions défavorisées. De plus, elle a obtenu pour nous de bonnes conditions de travail, dont des forfaits pour la formation médicale ainsi qu'un pourcentage plus élevé pour les actes médicaux, ce qui motive beaucoup à demeurer dans une région éloignée.
 

 Heureux de recevoir le Prix du Médecin bâtisseur, le Dr Paul Leblanc voit avant tout dans cette distinction la reconnaissance de ses pairs pour son engagement syndical.


Le Dr Yves Mathieu, un syndicaliste modéré


« Il est toujours agréable d'être reconnu par ses pairs », affirme-t-il. Retraité, le Dr Mathieu, âgé de 76 ans, a commencé sa carrière à Mont-Rolland, dans les Laurentides. Il s'est ensuite installé à Saint-Jérôme où l'attendait une nouvelle mission : aider les personnes souffrant d'alcoolisme, à la clinique Domrémy. Il fut le directeur médical de ce centre pendant une dizaine d'années, en plus d'avoir une pratique en médecine familiale.

C'est grâce à sa rencontre avec le Dr Gérard Hamel, alors président de la FMOQ, que le Dr Mathieu s'est engagé dans le syndicalisme. Ainsi, en 1962, il a été l'un des fondateurs de l'Association des médecins omnipraticiens des Laurentides/Lanaudière. Au cours des décennies suivantes, le Dr Mathieu y a occupé les postes de secrétaire, de directeur, de vice-président et de président, alternant à la présidence avec le regretté et coloré Dr Sylvain Laporte, de Joliette. Le Dr Mathieu a aussi été très longtemps délégué de son association au Conseil de la FMOQ.

Le Dr Mathieu estime que sa plus grande réalisation en syndicalisme est sa participation de plus de vingt ans au Bureau de son association. « Ce fut une période intense faite de travail fructueux et des plus agréables », dit-il. Sans hésiter, il conseille aux jeunes médecins de s'engager dans leur milieu et d'être polyvalents dans leur pratique. Collègue du Dr Mathieu pendant plus de 40 ans, le Dr Gilles Aubin, aujourd'hui âgé de 75 ans, pratique dans un établissement de soins de longue durée. Il se souvient du Dr Mathieu comme d'un homme calme et réservé. « Il faisait souvent preuve de pondération lors des prises de décision dans cette association souvent revendicatrice. » Selon le Dr Aubin, le syndicalisme a facilité l'organisation des soins de première ligne à l'urgence de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, où il a été chef de service pendant 25 ans. « Les médecins de l'époque, dorénavant regroupés, se sont battus pour assurer la continuité des soins et obtenir la reconnaissance de la médecine générale en milieu hospitalier. »

 À la fois surpris et fier, le Dr Yves Mathieu reçoit le Prix du Médecin bâtisseur de la FMOQ avec un immense plaisir.